La journée se profilait comme étant des plus simples, des plus plates. La monotonie s'était installée professionnellement depuis quelques jours, je sortais tôt le matin pour faire quelques photos en forêt, ou en studio, m'accordant au passage le droit d'admirer les couleurs du ciel teinté par le soleil levant. Évidemment, ces couleurs n'échappaient jamais à mon objectif, et comme tous les matins, je me plaisais à monter sur le toit de mon immeuble pour avoir une vue panoramique sur le ciel coloré. En arrivant à l'étage juste au dessus du mien, je ne put m'empêcher de frapper à la porte de l'appartement de Noah, bien que je sache pertinemment qu'il était sûrement déjà parti pour l'université. On ne sait jamais, il lui arrivait parfois de commencer plus tard, comme l'an dernier, ou il débarquait presque tous les matins pour me forcer à prendre un vrai petit déjeuner, et non pas simplement une pomme comme j'en ai la coutume. Le reste de la matinée se déroula simplement : Après un détour par le parc, j'avais terminé en studios pour développer quelques photos et les montrer à quelques collègues. Ces derniers me firent d'ailleurs remarquer quelques cernes qui n'étaient que trop voyantes sous mes yeux noisettes, portant préjudice à ma beauté. Après un léger soupire, je m'expliquait par un léger manque de sommeil, et disais que si je devais me faire photographier dans les jours à venir, je n'aurais qu'à faire photoshoper ces cernes disgracieuses. Vive la technologie, même si d'ordinaire je m'y opposais quelques peu. Histoire de me ressourcer, en début d'après midi je décidais de retourner en ville pour aller au Lincoln Park, au nord de la ville, et non loin donc de mon appart pour que je puisse rentrer plus rapidement. Un rapide échange de sms avec Noah me fit comprendre que ce soir, je devrais aller un étage au dessus. Monsieur s'était mis en tête de me faire une surprise ce soir, et je n'allais certainement pas manquer ça, c'est donc tout naturellement que je lui ai dit que je le rejoindrais après mes quelques photos. De toutes manières, j'ai les clés de son appartement, je les avais depuis un certain temps. Le reste de l'après midi ne fut pas aussi calme que le matin, puisqu'à de nombreuses reprises j'ai du m'asseoir, prise de violentes crampes à l'estomac. Peut-être était-ce pour ça aussi que je n'arrivais pas à dormir ces derniers jours, mais après un coup d'oeil à mon calendrier sur mon Blackberry, je constatais que je n'étais absolument pas dans ma « mauvaise période ». Hum, soit, je devais couver une gastro ou je ne sais quoi dans le genre, et quand mes maux d'estomac se calmèrent, je me remis simplement en route, appareil photo en main, photographiant la faune et la flore sous les couleurs dorées et rougies par l'automne.

Arriva enfin la nuit, et vers dix huit heures trente, je venais frapper à la porte de l'appartement de Noah, changée pour être vêtue d'une simple mais jolie petite robe noire et d'un gilet crème. J'étais passée chez moi pour me changer, mais surtout pour cacher ces vilaines cernes par tous les moyens possibles. Connaissant le naturel pessimiste de Noah, je préférais dissimuler toute trace de manque de sommeil. A peine eut-il ouvert la porte que je rentrais rapidement, à mon aise, déclarant d'un ton amusé « Sache tout d'abord que, aussi doué sois-tu pour me faire le petit déjeuner, je demande à voir pour le dîner et j'espère que la recette que tu as trouvé n'est pas empoisonnée ! » Je pivotais pour lui faire face avec un air sérieux, puis éclatais de rire. « Voyons, ne prends pas cet air dépité, je te taquine encore... » Je passais une main derrière sa nuque pour rapprocher mon visage du sien, et lier ses lèvres aux miennes avec douceur, avant de reculer en retirant mon gilet pour l'accrocher au porte manteau. Noah continuait de me regarder, perplexe, et je savais que j'étais une mauvaise comédienne. Il devait très certainement sentir que quelque chose me tracassait, ou alors mon anti cernes n'était pas aussi performant que cela. Foutue camelote. J'esquissais un sourire léger tout en croisant les bras « J'ai passé une sale journée, mais rien de méchant, compris ? D'ailleurs je compte sur toi pour me changer les id... » Je m'arrêtais en plein milieu de mon mot en fronçant les sourcils, prise d'une nouvelle douleur à l'estomac. Noah s'approcha à une vitesse telle qu'elle frôlait le surnaturel. « C'est rien, c'est rien.. Balbutiais-je. J'crois que j'ai chopé un truc avec les chutes des températures ces derniers jours, c'est tout.. » Je me redressais en forçant un sourire à l'adresse du jeune homme, mais ce sourire se transforma rapidement en grimace. Je baissais la tête, à peine le temps d'apercevoir du sang le long de ma jambe. Trop de sang. « Noah.. » Murmurais-je, juste avant de sentir mon cœur se serrer, mon corps basculer. Puis, plus rien.

Les vacances étaient définitivement terminées et je le ressentais. J’étais complètement crevé et les profs étaient plus terribles que jamais. Je savais qu’en faisant des études de lettre modernes, je devrais avoir beaucoup de livres à lire, mais là, ça devait trop, même pour moi. Le week-end précédent, j’avais dû acheter une nouvelle bibliothèque pour ranger encore beaucoup de livres. Je me rappelais encore de la tête qu’avait fait Aylin quand elle avait débarquée chez moi, la bouche en cœur et qu’elle s’arrêta net en me voyant essayer de monter cette étagère. La jeune femme avait même dû m’aider à monter ça, parce que ça n’était pas que j’étais pas doué mais…je n’étais pas doué. Habituellement, c’était mon père qui m’aidait à monter mes bibliothèques mais cette fois-ci, j’avais essayé de faire ça tout seul. Raté puisque j’avais eu besoin de ma petite amie pour m’aider à faire ça. Enfin bref, tout ça pour dire que j’étais complètement mort. Je passais ma vie à lire et à devoir faire des comptes rendus de lecture, tout ça pour au final, ne même pas savoir ce que j’allais faire après ma licence. Car c’était la dernière année avant que j’ai mon diplôme en poche, et je ne savais absolument pas quoi faire par la suite. Pourtant, tout allait bien dans ma vie : ma relation avec Aylin se passait à merveilles, mes parents étaient en bonne santé, et je faisais ce que j’avais toujours aimé faire : lire. Mais après… ? Il fallait bien que je me trouve un métier, que je gagne ma vie. Car pour le moment, c’était grâce à mes parents que j’avais un appartement et que je pouvais me permettre de faire les études que j’aimais.

Mais il me fallait vraiment une pause. Et j’avais trouvé une recette de pates au foie gras qui avait l’air tout simplement délicieuse. Bon, okay, c’était vraiment un truc assez tordu et compliqué, mais je voulais impressionner Aylin. Elle m’avait aidé avec cette bibliothèque et je m’étais senti un peu con d’avoir eu besoin de son aide. Et certes, elle avait déjà goûté à des plats que j’avais préparé, mais des trucs assez basiques et pas très compliqués à faire. Le petit déjeuné aussi c’était quelque chose d’assez facile au fond. Après l’avoir invitée à venir chez moi en fin d’après-midi, j’allais en cours jusque 15h puis j’allais faire quelques courses pour le petit plat que j’allais concocter pour ce soir et je me mis au travail dès dix-sept heures trente, préparant également un dessert et une entrée. Et le temps passa très vite puisque une heure et demi plus tard, on sonna à la porte et c’est avec un tablier de cuisine que je me précipitais dans le salon pour aller ouvrir, alors que l’appartement était imbibé de l’odeur du foie gras qui cuisait doucement. Un petit sourire se dessina sur mon visage en voyant la belle robe que la jeune femme portait, elle lui allait vraiment bien et je me sentis bête quelques secondes : elle était sur son trente et un et moi…j’étais avec mon tablier de cuisine. Super classe. Je me reculais un peu pour laisser Aylin entrer, refermant la porte derrière elle alors qu’elle annonçait, « Sache tout d'abord que, aussi doué sois-tu pour me faire le petit déjeuner, je demande à voir pour le dîner et j'espère que la recette que tu as trouvé n'est pas empoisonnée ! » J’éclatais de rire et je me tournais vers elle en haussant les sourcils, « Empoisonnée ? Je ne serais jamais capable de faire ça ! » Je souris : il y a quelques années, j’aurais peut-être été capable de faire ça effectivement. Mais je savais qu’elle me taquinait, comme toujours. « Voyons, ne prends pas cet air dépité, je te taquine encore... » J’haussais les épaules en faisant mine de ne pas être très convaincu et je la laissais approcher ses lèvres des miennes, passant mes mains sur sa taille pour prolonger doucement son baiser. Quand elle m’embrassait comme ça, j’avais toujours le cœur qui s’affolait et je me disais que j’avais attendu ça depuis tellement longtemps…

Une fois le baiser rompu, je regardais la jeune femme prendre ses aises en posant son gilet un peu plus loin, et je la regardais en fronçant un peu les sourcils : elle avait l’air tout simplement exténuée. « Ça va.. ? T’a une petite mine… », finissais-je par dire, assez inquiet. Elle esquissait un sourire et me répondit tout naturellement, « J'ai passé une sale journée, mais rien de méchant, compris ? D'ailleurs je compte sur toi pour me changer les id... » Je m’avançais tout de suite vers elle, sa grimace ne me rassurait pas tellement, « Chérie ça va ? », finissais-je par dire alors que je passais une main sur son épaule doucement. « C'est rien, c'est rien.. Sourcils froncés, je gardais ma main sur son épaule en la regardant, J'crois que j'ai chopé un truc avec les chutes des températures ces derniers jours, c'est tout.. » J’hochais la tête et je passais une main sur sa joue, jusque son front mais elle n’avait pas l’air d’être fiévreuse. « Noah.. » Je la regardais, sans trop comprendre jusqu’à ce qu’elle se laisse tomber d’un coup, et je me penchais pour qu’elle ne tombe pas à terre, la laissant atterrir dans mes bras sans comprendre ce qui se passait. Je baissais mon regard vers son corps et je vis…du sang qui couler le long de sa jambe ? Mais qu’est-ce qui se passait ? Dans un élan de panique, je la soulevais pour la prendre dans mes bras, passant rapidement chez mon voisin de palier pour lui demander d’aller éteindre les lumières et ma plaque de cuisine ainsi que le four pendant que j’amenais le plus vite possible Aylin à l’hôpital. Sur la route, j’essayais de lui parler mais elle ne me répondait pas, je crois que je n’avais jamais eu aussi peur de toute ma vie.

Deux heures plus tard, un médecin venait m’expliquer ce qui venait de se passer, et je redoutais un peu de devoir lui annoncer : elle venait de faire une fausse couche. Et je savais que cette annonce allait réveiller en elle des vieilles blessures qui venaient à peine de cicatriser. Installée dans une chambre, j’allais rejoindre Aylin qui dormait encore, m’asseyant sur le bord de son lit en prenant sa main, la regardant alors qu’elle avait l’air de reprendre doucement connaissance. Je passais ma main libre sur son visage, essayant d’afficher un sourire des plus rassurants. « Hey…tu m’as fait sacrément peur… » Je replaçais bien quelques mèches brunes qui cachaient son visage et je serais sa main avec mon autre main, ajoutant dans un murmure, « Me refait plus jamais ça… »

Mon regard n'était entré en contact avec le bas de mon corps qu'une infime fraction de seconde, le temps de réaliser que je n'avais pas seulement terriblement mal au ventre, mais aussi, que je perdais du sang. Et peut-être aurais-je paniqué, si je n'avais pas sombré presque instantanément dans l'inconscience, sentant mon corps basculer et mes paupières se fermer en même temps. Vous n'avez pas idée de la frustration que cela représente, lorsque tout devient noir et que vous avez l'impression d'avoir deux heures de votre vie qui vient d'être zappée. J'avais l'impression d'avoir simplement battu des cils, mais lorsque je rouvrais les yeux, je me trouvais dans une chambre d'hôpital, allongée dans un lit avec Noah à mon chevet. J'avais les membres tout engourdis, si bien qu'il me fallu quelques secondes avant de prendre conscience de la situation, et de remuer. Je déglutis, j'avais la désagréable impression de revivre un cauchemar que je n'avais que trop revu il y a de cela quelques mois. Et à peine eus-je ouvert les yeux, que Noah s'empressa de se tourner vers moi, passant sa main libre sur mon visage froid en me souriant légèrement. Un sourire que je sentais terriblement faux, j'en avais eu l'habitude durant notre enfance, lorsque nous devions feindre une quelconque « amitié » devant nos parents. Cependant, la situation étant toute autre, une seule et unique question pendait au bout de mes lèvres : Qu'avait-il de si gênant à masquer derrière ce sourire ? Je fronçais les sourcils, et clignais encore quelque peu des yeux avant d'avoir une vue totalement défloutée, mon regard déviant jusqu'à ma main, que Noah tenait dans la sienne. « Hey…tu m’as fait sacrément peur… » Je déglutis, sourcils froncés, mon regard oscillant entre mon lit, Noah, la chambre d'hôpital, la sortie -que j'envisageais déjà de franchir au plus vite – et enfin, encore Noah, qui déplaça quelques mèches de mon visage tout en serrant d'avantage ma main dans la sienne en murmurant : « Me refait plus jamais ça… » Je hoquetais légèrement en me redressant tant bien que mal dans le lit, cherchant un quelconque indice pour me dire ce que je pouvais bien faire là. Lentement, je tentais de me remémorer ce qui venait de se passer … Ou du moins, ce qui était arrivé chez Noah il y a je ne sais combien de temps. « Qu'est ce que … Qu'est ce que je fais ici ? » Soufflais-je avec une voix enrouée, que je tentais d'éclaircir non sans mal. Ma main serra également celle de Noah, comme si j'avais peur de tomber de mon lit. Mon autre main vint se poser sur mon ventre, d'où étaient venues ces crampes abominables tout à l'heure. Et ce sang … Une chose était sûre ce n'était absolument pas un soucis de règles, mais tout autre chose, et j'avais déjà peur de ce qu'on allait me dire.

Je fermais les yeux quelques instants le tout que tout se mette en place, puis mon regard revint trouver celui de Noah. J'essayais de garder mon calme, mais je haïssais cette sensation, je savais que quelque chose n'allait pas, je m'étais évanouie, et je détestais ça, si bien que des larmes bordaient déjà mes yeux tant j'étais perturbée. « Qu'est ce que j'ai .. ? Qu'est ce qui s'est passé chez toi ? Je ... » Ma main quitta mon ventre pour passer nerveusement dans mes cheveux alors que je cherchais toujours mes mots, comme si m'être évanouie m'avait momentanément privée de tout langage. « Je croyais vraiment que c'était rien Noah je te promets … » Je paniquais, je ne voulais pas qu'il croie que je lui mentais, pour moi il ne s'agissait d'absolument rien, une simple crampe, une douleur passagère dont je me serais peut-être débarrassée en mangeant. Un rideau de larmes se forma devant mon regard, et je déglutis, faisant tout mon possible pour ne pas cligner des yeux et me mettre à pleurer. J'avais véritablement peur, peur comme ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps.

J’avais l’habitude de voir Aylin mal. C’était triste à dire comme ça, mais c’était vrai. Pendant un an, elle avait été un fantôme. Sa fausse couche l’avait beaucoup atteinte, et elle avait mis du temps à s’en remettre. Même quand elle était avec Christopher, je pouvais voir, rien qu’en regardant son petit sourire triste, qu’elle n’était pas vraiment heureuse avec lui. Elle avait été piégée : elle était enceinte de lui, alors elle pensait qu’elle était obligée de rester avec lui. Quelle erreur. Je lui avais pourtant dit, j’avais pourtant essayé de lui faire comprendre qu’elle n’était pas obligée, mais pourtant, elle était restée avec lui. Aujourd’hui, elle était plus souriante et cela se voyait à une chose : la manière qu’elle avait de me taquiner, encore et encore. Si quand nous étions plus jeune, nous nous taquinions de manière presque méchante, aujourd’hui, c’était assez différent. Mais même si j’avais eu l’habitude de voir Aylin aller mal, même si j’avais l’habitude de devoir m’occuper d’elle, puisque c’était quelque chose que j’avais fait pendant des mois et des mois, je ne m’étais même pas rendu compte que quelque chose clochait. C’était ce qui me trottait dans la tête, encore et encore sur toute la route vers l’hôpital. Je me sentais encore une fois coupable, un nœud s’était formé au niveau de mon estomac, et j’avais peur. Peur que ça soit grave. Et je ne comprenais pas non plus : pourquoi est-ce qu’elle saignait ? Elle avait perdu connaissance, peut-être que j’aurais dû appeler une ambulance…quoi que le temps qu’elle arrive, elle aurait pu voir le temps de mourir. Vraiment, j’étais tétanisé et quand j’arrivais aux urgences et que les infirmiers commençaient à me poser des millions de questions, je savais à peine répondre. Est-ce qu’elle avait mangé dans la journée ? Comment est-ce que je pouvais le savoir ?! Est-ce qu’elle buvait correctement ? Oui…enfin, je croyais. Mais le question qui me choqua le plus, était est-ce qu’elle était enceinte ? J’avais tout de suite répondu non, comme si c’était une évidence, mais quand j’étais tout seul, à attendre dans la salle d’attente pendant que les médecins s’occupaient d’elle, j’en étais venu à a conclusion que c’était peut-être l’hypothèse la plus cohérente.

Le médecin m’avait expliqué qu’une femme qui a déjà fait une fausse couche dans sa vie, risque d’en faire d’autres et que dans ce cas, si Aylin ne savait déjà pas qu’elle était enceinte, le bébé – enfin, l’embryon – pouvait partir comme ça sans même qu’elle ne prenne conscience de ce qui se passe. Je ne savais pas du tout comment j’allais lui annoncer ça. La première fausse couche avait été un calvaire, et moi-même j’en avais souffert puisque je considérais un peu ce bébé comme étant le mien puisque je m’étais occupé de la jeune femme et de sa grossesse pendant des mois et des mois. Assis au bord de son lit, je regardais dans le vide, me demandant comment j’avais lui dire qu’elle avait perdu un bébé. Notre bébé… mais je fus légèrement soulagé quand elle se réveilla, essayant de rester le plus confiant possible pour ne pas l’affoler dès son réveil. Caressant son visage doucement, je lui murmurais de ne plus jamais me refaire ça. Elle avait l’air perdu, et j’avais déjà un pincement au cœur en sachant ce que j’allais lui annoncer. Je connaissais assez Aylin pour savoir exactement quelle réaction elle allait avoir. Elle allait se replier sur elle-même, comme un an plus tôt. « Qu'est ce que … Qu'est ce que je fais ici ? » Je fronçais légèrement les sourcils et je baissais mon regard vers son ventre sur lequel elle posa sa main libre, c’était un geste qu’elle avait tellement fait il y a un an et demi, mais quand son ventre était bombé. « Tu as fait un malaise… », murmurais-je en essayant de lui sourire, le moins faussement possible. « Qu'est ce que j'ai .. ? Qu'est ce qui s'est passé chez toi ? Je ... » Je me mordais la lèvre et je la regardais, la voir à la limite de pleurer me donnait encore moins la force de tout lui dire. Pourtant je devais lui dire, je ne pouvais pas lui mentir ou lui cacher ce genre de chose, elle était après tout la principale concernée. J’inspirais doucement, et j’allais lui répondre mais elle enchaina, d’un air assez paniqué, « Je croyais vraiment que c'était rien Noah je te promets … ». Je me déplaçais sur le bord du lit pour être plus près d’elle, serrant un peu plus fort sa main. « Je sais…je sais t’en fais pas…tu ne pouvais pas savoir… », répondais-je d’une voix calme même si je sentais ma voix trembler légèrement. J’étais définitivement un très mauvais acteur et j’allais le payer un jour ou l’autre. Je caressais doucement sa main et j’ajoutais, « Tu…tu savais que tu étais enceinte de presque un mois… ? », demandais-je. Je pensais qu’elle ne le savait pas, mais je préférais quand même demander. Même si elle était au courant, je ne lui en aurait pas voulu de ne pas me l’avoir encore dit, mais il fallait que je sache même si elle risquait de deviner ce qui s’était passé rien qu’avec ma question.

Déboussolée, je me posais des tas de questions, mais hélas toutes restaient sans réponses. Je m'étais cru bêtement malade à cause du froid, mais maintenant que j'étais allongée dans ce lit d'hôpital, Noah à mon chevet, je savais qu'il s'agissait de bien plus qu'une simple petite maladie. Et je voyais aux traits faussement tirés en un sourire de Noah, qu'il me cachait quelque chose qu'il ne voulait pas me dire, mais qu'il se préparait déjà à m'annoncer. De toutes manières, j'allais bien finir par lui demander ce qui m'étais arrivé dans son appartement quelques heures plus tôt, et s'il ne me répondait pas, j'allais demander aux médecins. La dernière fois que j'avais mis les pieds dans cet hôpital, c'était encore une fois avec Noah que j'étais, quand il m'avait rejoint après mon accident. Et je le revoyait exactement pareil que ce soir là : Penché légèrement vers moi, tentant de feindre un sourire rassurant, qui au passage ressemblait d'avantage à une grimace qu'à autre chose … Mais je ne trouvais pas le courage de la taquiner, tout simplement parce que j'étais pétrifiée à l'idée d'apprendre ce que je pouvais bien avoir. J'étais tétanisée parce qu'au fond de moi, la situation ne me rappelait que trop une étape de ma vie que j'avais déjà traversé. Et je priais de toute mon âme pour être induite en erreur, pour que Noah soit ainsi juste parce qu'en m'évanouissant je lui avait fait peur, que c'était juste parce qu'hier je n'avais déjeuné qu'une pomme et que tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ce serait tellement beau si les choses pouvaient toujours se produire aussi simplement, aller à l'hôpital et en ressortir avec le sourire. Mais j'avais déjà les larmes au bord des yeux avant même que Noah n'ai pu me dire quoique ce soit, me retenant de toutes mes forces de fondre en larme comme une petite fille qui aurait peur du noir. Parce que malgré la lumière de la chambre d'hôpital, j'étais littéralement dans le noir au niveau de ce que je savais, je ne savais rien, et je ne voulais rien savoir, mais je n'allais pas avoir le choix, quoi qu'il arrive.

Noah avait beau tenter d'être le plus tendre possible dans ses paroles comme dans ses gestes, j'étais morte de peur et je tremblais comme une feuille, ma main serrant la sienne avec inquiétude, alors que je lui demandais ce qui m'étais arrivé … Bien que je me doutais déjà de la réponse que mon petit ami allait me donner, réponse qui ne tarda pas en effet : « Tu as fait un malaise… » murmura Noah avec un nouveau sourire forcé, qui me pinça le cœur. Je me mordais la lèvre inférieure en hochant la tête, les traits tirés, et enchaînais en demandant pourquoi j'étais ici, qu'est ce que j'avais, et surtout, j'insistais pour que Noah sache que je ne lui avait pas vraiment menti tout à l'heure. Jamais je n'aurais cru que ma fatigue et mes maux d'estomac deviendraient si violents. Immédiatement le jeune homme se rapprocha de moi en serrant d'avantage ma main dans la sienne. Je me redressais encore un peu, désormais presque assise, gardant sa main contre la mienne, serrées au dessus de mes jambes étendues. « Je sais…je sais t’en fais pas…tu ne pouvais pas savoir… ». Mais j'aurais du, parce que je voyais dans son expression que cette histoire l'avait rendu inquiet, je le sentais dans le timbre de sa voix, je le sentais dans sa façon de me regarder … Comme s'il avait eu peur de me perdre, cette même façon qu'il avait eu de m'observer le soir de mon accident de voiture. « Noah … Dis moi ce que j'ai.. » Bafouillais-je en clignant des yeux, une légère larme perlant sur ma joue. Il caressa à nouveau ma main du bout de ses doigts avant de dire : « Tu…tu savais que tu étais enceinte de presque un mois… ? » Je le regardais, bouche bée, ne croyant pas à ce qu'il venait de me demander. Si je savais que j'étais enceinte de presque un mois ? Je rapprochais sa main et la mienne de mon ventre toujours aussi plat et je secouais avec force la tête de gauche à droite. « Quoi ? Non .. Non ça doit être une erreur … Je peux pas .. » Mais avec du recul, je me rendais compte que c'était évident : Mon manque de sommeil, mes maux de ventre, je m'étais gavée de médicaments parce qu'il m'était arrivé de me trouver mal au travail. Mais alors … Ce qui était arrivé aujourd'hui... Je levais ma main libre contre mes lèvres, secouant encore la tête. « Non .. Pas ça .. Pas encore ... » Je n'avais pas besoin que Noah me dise que j'avais deviné ce que je faisais ici, je le lisais déjà dans son regard désolé, et ma vue se brouilla alors que je lâchais sa main pour regrouper mes genoux contre ma poitrine lentement, mes membres encore engourdis par mon réveil. Je m'étais gavée de médicaments, j'avais été courir souvent au parc ce mois ci, et combien de fois est ce que j'ai pu faire des choses mauvaises pour une grossesse … J'avais encore une fois tué mon bébé.. Mais cette fois ci, également celui de Noah. Je levais mon regard embué de larmes vers le jeune homme, bouleversée. « C'est de ma faute … Je suis désolée.. » Et dire que quelques semaines plus tôt en revenant de chez nos parents on avait évoqué l'idée d'avoir un jour un enfant … Tout à coup, je me redressais, tentant de quitter mon lit. « Je dois voir un médecin... Je dois savoir, je dois lui demander si ... » Je posais ma main sur mon ventre en m'effondrant en larmes. C'était déjà la deuxième fois, et si j'étais incapable de porter un enfant jusqu'au terme de ma grossesse ?

Je me sentais nul. Totalement nul de ne rien avoir vu. Certes, je n’aurais pas pu deviner grand-chose, mais quand même. J’avais connue Aylin enceinte, alors je savais exactement l’humeur qu’elle avait à ce moment-là. J’avais connu assez peu la jeune femme au début de sa grossesse, mais elle s’était souvent plainte depuis quelques semaines qu’elle se sentait un peu ballonnée, et je constatais qu’elle ne mangeait pas très bien. C’était plutôt ironique, parce que j’avais fait tellement attention à tout ça quand elle était enceinte pendant des mois et des mois. En fait, en y réfléchissant, j’avais l’impression que j’avais beaucoup moins pris soin de la demoiselle depuis que nous étions ensemble qu’avant. Et c’était vraiment nul, parce qu’elle était ma petite amie aujourd’hui. J’avais même l’impression d’être au même niveau que Christopher. Aylin venait de perdre notre bébé, parce que je n’avais pas fait assez attention à elle. Je savais que quand j’allais parler de tout ça à mes parents, ils me diront que je ne pouvais pas savoir et que ça n’était pas du tout de ma faute. Au fond, je savais très bien que ça n’était pas ma faute. Et je savais très bien que ça n’était pas la faute d’Aylin non plus, cette idée ne m’avait même pas traversée l’esprit en fait. Je voulais juste qu’elle aille bien, qu’elle aille mieux même si ça ne risquerait pas d’arriver avant un certain temps au vu de ce que j’allais lui annoncer. Je savais très bien que ça allait lui faire du mal. Et je savais très bien qu’à force de tourner autour du pot, elle allait finir par comprendre que quelque chose de grave était arrivé. Après tout, elle était à l’hôpital, elle avait fait un malaise et elle avait perdu du sang…l’inquiétude figée sur mon visage ne devait pas trop aider.

« Noah … Dis-moi ce que j'ai.. » Je me mordais la lèvre : comment est-ce que j’allais lui annoncer ça ? Ca n’était pas le genre de chose qu’on dit comme ça : « En fait, tu as fait une fausse couche, voilà ! ». Non, bien sûr ça ne se disait pas comme ça du tout. Lui demander si elle savait qu’elle était enceinte n’était peut-être pas la meilleure solution à vrai dire, mais c’était la première chose qui sortit de ma bouche. Je baissais les yeux vers son ventre sur lequel la jeune femme avait posé nos deux mains, et je sentais comme…un pincement au cœur. Je crois que je n’avais pas encore réalisé que nous aurions pu avoir un bébé. Un bébé qui était cette fois de nous. Le fruit de notre amour. Mais…il était parti. Parti pour toujours. « Quoi ? Non .. Non ça doit être une erreur … Je peux pas .. » Je passais ma langue entre mes lèvres, ne quittant pas Aylin du regard. Je ne savais même pas quoi lui dire, j’avais peur d’être encore plus maladroit dans mes paroles. Puis, elle semblait comprendre. Elle passa sa main libre sur sa bouche un peu ouverte et je crois que même si j’avais eu les yeux fermés, j’aurais compris qu’elle avait compris. « Non .. Pas ça .. Pas encore ... » Je relevais le regard vers elle quand elle lâcha ma main, regroupant ses jambes pliées au niveau de sa poitrine. J’essayais de m’approcher un peu plus d’elle, posant une main sur son genoux doucement, « Chut…calme toi…tu viens de faire un sacré malaise faut que tu te ménages… » Ce que je venais n’avait aucun sens après ce qu’elle venait d’apprendre, mais il fallait vraiment qu’elle se calme et qu’elle essaie de ne pas faire une crise de panique ou quelque chose dans le genre. « C'est de ma faute … Je suis désolée.. » Je secouais tout de suite la tête : sa faute ? Il était hors de question qu’elle croit ça. Elle ne pouvait pas savoir : je savais qu’elle aurait pris soin d’elle si elle avait su. Elle aurait tout fait pour ne pas reproduire le même schéma qu’il y a un an. « Non…non arrête ça n’est pas ta faute Aylin..on ne pouvait pas deviner… »

Je fronçais les sourcils quand je la vis se redresser, et je gardais ma main sur son épaule pour l’empêcher de se lever : hors de question qu’elle se lève, elle allait rester dans son lit. « Je dois voir un médecin... Je dois savoir, je dois lui demander si ... » Je secouais la tête, gardant ma main sur son épaule pour la garder assise quand elle se mit à tomber en larmes ce qui me rappela le soir où elle était rentrée chez elle après son accident…après sa première fausse couche. Et ça me faisait tellement mal de la voir comme ça. Mais il fallait que je sois fort pour elle, pour pouvoir l’aider à se relever comme la première fois. Je passais une main sur sa joue pour essayer de sécher ses larmes, mais c’était assez difficile puisque celles-ci coulaient à flot. « Viens là… », murmurais-je avant de me pencher pour la prendre dans mes bras, passant mes bras autour de son corps pour la blottir contre moi doucement. « C’est pas de ta faute… », répétais-je calmement en caressant ses cheveux. « Tu veux que je prévienne quelqu’un.. ? Que j’appelle tes parents.. ? »

La première fois, j'avais perdu mon bébé non pas à cause de mon comportement, mais à cause de l'accident de voiture qui m'était arrivé lorsque j'avais tenté de fuir Christopher, le fameux soir où il avait découvert ma grossesse. Mais cette fois ci c'était différent … Je n'avais pas percuté sur mes maux d'estomac, et peut-être que si j'avais fait un test de grossesse, si j'avais su .. Je ne serais pas dans cette chambre d'hôpital en ce moment même, je n'aurais pas perdu connaissance chez Noah, qui sait, peut-être même serions nous encore attablés autour du repas qu'il nous avait fait, à discuter avec le sourire de ce bébé que j'aurais découvert récemment … Mais non. Une fois encore, j'avais perdu une vie que j'avais créée, et pour ça, je me sentais terriblement coupable, non seulement pour moi, pour le bébé, mais aussi pour Noah, qui ce coup ci aurait été véritablement le père de cet enfant. Et à cause de ça, je me sentais mal, encore plus mal que si je faisais un énième malaise, les larmes commençant à venir au bord de mes yeux, avant de se mettre à couler, alors que je venais de comprendre que si j'étais ici c'était à cause d'une fausse couche, encore. J'avais l'impression de revenir dans le passé, de revivre involontairement cet épisode de ma vie que j'avais passé des mois à essayer d'enterrer au plus profond de mon être pour ne plus jamais le revoir. Mais comme on dit … Le passé fini toujours par nous rattraper.



Immédiatement en me voyant paniquer, Noah se rapprocha de moi en posant sa main sur mes genoux, désormais tous deux regroupés contre ma poitrine. « Chut…calme toi…tu viens de faire un sacré malaise faut que tu te ménages… » Que je me ménage ? Comment pourrais-je seulement rester allongée dans ce lit alors que je venais tout simplement d'apprendre que je venais de faire une seconde fausse couche en un an ? Que je venais, une nouvelle fois, de perdre un enfant ? Immédiatement alors, je pensais à demander pardon à Noah, même si ça n'avait pas de sens, j'en avais besoin. « Non…non arrête ça n’est pas ta faute Aylin..on ne pouvait pas deviner… » Je savais qu'il disait ça pour me remonter le moral, parce que si, j'aurais pu deviner. « Si … Y a des symptômes dans une grossesse et comme une conne je me suis cru juste malade... J'aurais du savoir, j'y ai déjà eu droit et j'ai ignoré comme une idiote... » Juste après alors, je me redressais, prête à bondir hors du lit à la recherche d'un médecin. Car l'hypothèse me vint alors que peut-être … Peut-être étais-je incapable de mettre au monde un enfant pour une raison quelconque ? Et si mon accident m'avait fait quelque chose ? Tout se brouillait dans ma tête, mais la main de Noah, elle, resta bien ferme sur mon épaule pour m'empêcher catégoriquement de me lever. Je n'arrivais alors plus à arrêter de pleurer, me laissant grossièrement retomber dans les bras de Noah. « Viens là… » souffla-t-il en me prenant contre lui, alors que je hoquetais entre deux sanglots, le visage logé contre son torse. « C’est pas de ta faute… » dit-il enfin, avant d'ajouter : « Tu veux que je prévienne quelqu’un.. ? Que j’appelle tes parents.. ? » Je secouais la tête de gauche à droite, le cœur serré à l'idée que mes parents apprennent encore une fois ce genre de nouvelle me concernant. « Non … Je veux pas qu'ils me voient … Je veux voir personne... » Un frisson me traversa et je repleurais de plus belle, ne parvenant plus à tarir mes larmes jusqu'à ce que je souffle d'une voix brisée par le chagrin : « J'ai encore perdu un enfant .. Notre enfant … Et si quelque chose clochait chez moi depuis.. Depuis l'accident ? » Ma voix tremblait, j'étais tétanisée à l'idée que mes suppositions puissent être véritables.

Je savais que aucun mot ne pourrait apaiser sa peine ou sa douleur. Mais je ne pouvais pas rester là, à la regarder pleurer sans rien faire : il fallait surtout que je reprenne moi aussi mes esprits et que je ne craque pas, pas maintenant et encore moins devant elle. Elle avait besoin de quelqu’un de fort, quelqu’un qui lui redonnerait le sourire au fil du temps, et j’étais cette personne comme je l’avais déjà été un an plus tôt après son accident à cause de ce connard de Christopher. Sauf que aujourd’hui, il n’y avait personne à blâmer. Ca n’était certainement pas la faute de Christopher, ça n’était la faute de personne en fait. Aylin, même si elle avait eu des symptômes, ne pouvait pas forcément penser à une grossesse tant qu’elle ne se rendrait pas compte d’un retard dans ses règles. Même si moi, j’aurais dû y penser. Il n’était pas bon pour elle que je lui montre ma culpabilité : encore une fois, je devais rester fort, et même si c’était de plus en plus difficile, je n’avais pas le choix. Il allait falloir que je m’occupe d’elle correctement maintenant, que je fasse attention qu’elle ne veuille pas faire de bêtises et qu’elle continue de voir ses amis, sa famille. Il fallait absolument qu’elle vive normalement, sans pour autant oublier, mais en apprenant à vivre avec. Deux fausses couches, c’est difficile de vivre avec mais au fond, avait-elle le choix ? Dans n’importe quel bouquin de littérature, on appellerait ça le destin, mais j’avais un peu du mal à croire à tout ça. Je sentais que j’allais passer beaucoup de temps chez elle jusqu’à ce qu’elle se remette de tout ça.



Elle n’avait pas d’excuses à me faire, je ne pouvais pas lui en vouloir. Seul un con lui en aurait voulu après tout. Elle venait de perdre encore un bébé, et je pouvais comprendre que tout se chamboulait d’un coup dans sa tête. Tout ce que moi je voulais, c’était qu’elle aille mieux. « Si … Y a des symptômes dans une grossesse et comme une conne je me suis cru juste malade... J'aurais du savoir, j'y ai déjà eu droit et j'ai ignoré comme une idiote... » Je soupirais et je secouais la tête : ce qui était sûr, c’était qu’elle n’irait pas mieux tant qu’elle penserait que c’était de sa faute. Au fond, je pouvais comprendre car moi-même je me sentais un peu coupable de ne rien avoir vu, mais ce qui était fait était fait, et malheureusement on ne pouvait pas revenir en arrière. Je la bloquais tout de suite quand elle voulut se lever, m’approchant encore une fois d’elle pour pouvoir la prendre contre moi alors qu’elle éclatait en sanglots. Tout ça était tellement injuste….comme si nous n’avions pas assez souffert l’année dernière. Nous étions heureux, alors il avait fallu que le destin nous joue un sale tour ? « Non … Je veux pas qu'ils me voient … Je veux voir personne... » J’hochais la tête, la gardant contre moi en caressant doucement son dos, « D’accord…Mais… » Je me reculais un peu pour la regarder, posant mes deux mains sur ses joues que je séchais au passage avec mes pouces, « …il faudra que tu leur dises… si tu leur caches quelque chose comme ça encore une fois, ils pourraient t’en vouloir alors que tu as besoin d’eux… » Je souris tristement, rien de ce que je pourrais dire arriverait à la calmer, j’en étais conscient mais il était vraiment important que ses parents soient mis au courant. Elle leur avait déjà cacher sa grossesse l’année dernière, cette fois ils pourraient être vraiment très fâchés si elle leur cachait cet accident. « J'ai encore perdu un enfant .. Notre enfant … Et si quelque chose clochait chez moi depuis.. Depuis l'accident ? » Je secouais la tête en soupirant, le médecin m’avait un peu parlé alors j’étais peut-être capable de répondre à ses interrogations, même si ce que j’allais lui dire n’allait pas être forcément très rassurant. « Le médecin m’a dit que quand on a déjà fait une fausse couche…on a plus de risque d’en refaire pendant les premiers mois d’une autre grossesse…il pense que si tu l’as perdu c’est peut-être à cause du stress, de la fatigue… » Je me penchais pour déposer un baiser sur son front, ajoutant calmement, « Mais ne vas pas croire que tu es stérile d’accord.. ? On va faire plus attention pour plus qu’il n’y ait d’accident et le jour où on voudra avoir un bébé, tu feras juste attention à te reposer le plus possible… » Décider de faire un bébé n’allait pas être chose facile, car la peur qu’elle finisse par le perdre risquerait d’être omniprésent durant toute sa grossesse…mais ça ne voulait pas dire qu’il ne fallait jamais essayer d’en avoir un. Il fallait juste faire un peu plus attention…

C'était bien trop douloureux pour une seule personne que de faire deux fausses couches en à peu près un an, et pourtant, c'était ce qui m'était arrivé. Et je ne me sentais pas la force de devoir en parler à mes parents, pas aujourd'hui du moins. Je savais déjà qu'ils allaient me regarder avec leur genre de regard rempli de pitié, qu'ils ne sauraient pas quoi me dire en dehors des phrases bateau « Ce n'était pas ta faute » ou « Si tu as besoin de quoique ce soit, on est là ». Bien sur, je savais qu'ils étaient là et je leur en serais sûrement éternellement reconnaissante, mais bien souvent l'an dernier, j'avais surtout eu besoin de solitude, et d'apaisement, et non pas de la présence constante de mes parents sur mon dos, pour vérifier si je n'allais pas avoir soudainement des envies suicidaires ou dans le genre dépressives. Je n'avais besoin d'absolument personne … En dehors de Noah. Dès qu'il quittait mon appartement pour aller en cours, je me sentais seule, mal, abandonnée, mais jamais je ne lui avais dit, parce que je savais qu'au moindre signe de ma part, il n'aurait pas hésité à ne pas aller en cours, juste pour s'assurer que tout allait pour le mieux, et pour s'assurer que je tenais le coup. Mais je ne pouvais pas lui demander de mettre sa vie entre parenthèses juste pour mon confort, j'étais celle qui avait eu l'accident et perdu un enfant, pas lui … Même si j'avais bien vu que cet accident l'avait touché presque autant que moi.



Je ne voulais pas voir mes parents, j'avais été catégorique lorsque Noah me le suggéra. Je n'avais vraiment, vraiment pas besoin de les voir débarquer en panique à l'hôpital. D’accord…Mais… » Commença Noah avant de reculer son visage du mien. Je baissais les yeux, faisant glisser de nouvelles larmes sur mes joues froides alors que mon petit ami les essuyait du bout des doigts, poursuivant alors sa phrase : « …il faudra que tu leur dises… si tu leur caches quelque chose comme ça encore une fois, ils pourraient t’en vouloir alors que tu as besoin d’eux… » Je hochais la tête de haut en bas, sachant pertinemment qu'il avait raison, mais pas ce soir. Je haussais doucement les épaules en déglutissant, cherchant la force de reprendre la parole le temps de dire : « Je sais .. Juste … Pas ce soir. Je pourrais pas ce soir, j'irais les voir demain s'il le faut, mais je pourrais pas ce soir.. » Je soupirais, songeant déjà à la mine horrifiée que prendrait ma mère en apprenant qu'elle aurait perdu un potentiel petit enfant encore une fois. Alors, me vint cette pensée horrible : Et si j'avais un soucis, et si depuis l'accident je ne pouvais plus concevoir d'enfants ? Immédiatement, Noah secoua la tête à la négative, et je me doutais alors qu'il avait déjà du cuisiner le médecin sur la question. Mes traits tirés par l'inquiétude se détendirent lorsqu'il dit : « Le médecin m’a dit que quand on a déjà fait une fausse couche…on a plus de risque d’en refaire pendant les premiers mois d’une autre grossesse…il pense que si tu l’as perdu c’est peut-être à cause du stress, de la fatigue… » Je hochais doucement la tête. Sans doute était-ce ça oui, du stress, j'en avais à gogo avec le boulot, et j'étais pas mal éreintée ces temps ci, d'où mes cernes relativement profondes. Je fermais doucement les yeux lorsque je sentis Noah déposer ses lèvres contre mon front, et je l'écoutais attentivement, les yeux toujours clos alors qu'il ajoutait : « Mais ne vas pas croire que tu es stérile d’accord.. ? On va faire plus attention pour plus qu’il n’y ait d’accident et le jour où on voudra avoir un bébé, tu feras juste attention à te reposer le plus possible… » Je hochais à nouveau la tête, une chose était sûre, à ma prochaine grossesse – cette fois ci volontaire – je comptais bien passer ma vie au lit, et avoir un mode de vie des plus sains ! Je retournais me loger dans les bras de Noah, murmurant doucement : « Ils t'ont dit quand je pouvais partir .. ? Je veux pas rester ici plus longtemps ... »

J’avais peur. Peur de l’avenir maintenant qu’Aylin venait de faire cette fausse couche. Je savais très bien que les choses ne redeviendraient pas comme avant. La première l’avait déjà profondément déstabilisée, traumatisée, alors une deuxième et ça, un peu moins d’un an après… je devais me préparer à devoir la forcer à se lever le matin, la forcer à manger correctement, la conduire jusqu’à son studio de photo pour être sûr qu’elle irait travailler…la forcer à vivre, tout simplement. Les mois qui se profilaient à l’horizon s’annonçaient déjà dur et douloureux, mais nous n’avions pas le choix que de devoir les affronter. Et c’est ensemble qu’il fallait le faire. Même si je savais qu’elle allait vouloir être toute seule, qu’elle allait parfois être froide et peut-être même méchante pour me faire fuir et rester seule, je ferais tout ce qui était en mon pouvoir pour ne pas que ça arrive. Et peut-être qu’un jour, elle irait mieux. Peut-être que cette blessure qui s’était rouverte beaucoup trop tôt allait cicatriser pour de bon quand elle aurait un bébé, que, cette fois-ci, elle n’aurait pas perdu. Je savais également que les larmes qui se frayaient un passage le long de ses joues rosées n’étaient certainement pas les dernières qu’elle verserait. Je l’avais beaucoup trop souvent surpris en larmes.



On dit souvent que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Je me disais que d’un côté, cette citation avait du sens. Pour Aylin et moi, elle en avait car la perte de son bébé nous avait rapprochés, et avait peut-être fait de nous des amis plus soudé, un couple plus fort. Mais est-ce que nous pouvions résister à une deuxième tempête ? Ce qui était certain, c’était que je l’aimais, mais est-ce que ça suffirait ? Je l’espérais…même si…encore une fois, j’avais peur. Et cette boule que j’avais au niveau de mon estomac ne risquait pas de partir avant quelque temps. Je conseillais alors Aylin de ne pas cacher à ses parents cette nouvelle fausse couche. Moi-même je me voyais mal leur mentir, surtout depuis que je leur avait menti pendant des mois et des mois pendant que je savais que la jeune femme était enceinte, et pas eux. « Je sais .. Juste … Pas ce soir. Je pourrais pas ce soir, j'irais les voir demain s'il le faut, mais je pourrais pas ce soir.. » J’hochais la tête…pas ce soir, d’accord. Mais je gardais ça dans un petit coin de ma mémoire pour me rappeler qu’elle devait leur en parler. En tout cas, je savais que la première chose que j’allais faire en sortant de cette chambre d’hôpital, était d’aller voir mes parents pour leur parler de tout ça. Je voyais déjà le regard débordant de tristesse et de pitié de ma mère, mais je m’en fichais. J’avais besoin de leur en parler. « On le fera ensemble si tu préfères d’accord.. ? », murmurais-je doucement à la jeune femme en lui balançant un nouveau sourire faux et hypocrite. Hypocrite car je n’avais vraiment pas envie de sourire. En fait, j’avais envie de partir de là, et de m’enfermer quelque part avec un bouquin qui me ferait oublier toute cette merde. La garder dans son lit, allongée – ou du moins assise – et non pas debout était important. J’étais même sûr qu’elle ne tiendrait pas debout : elle avait fait un malaise et venait d’apprendre qu’elle avait perdu pour la seconde fois un bébé. Elle devait être encore sous le choc et elle ne devait pas se brusquer. J’essayais alors de lui expliquer qu’elle pourrait avoir des enfants, mais qu’avec ses fausses couches, elle devait faire attention. Par rapport au stress, surtout. « Ils t'ont dit quand je pouvais partir .. ? Je veux pas rester ici plus longtemps ... » Je me mordais la lèvre...haussant les épaules. Je n’avais même pas pensé à poser la question aux médecins quand je les avaient vu tout à l’heure. « Je…je sais pas, j’vais aller demander d’accord ? » Je souris un peu et je déposais un baiser sur la paume de sa main se trouvant dans la mienne avant de me lever pour aller dans le couloir, cherchant un médecin avec qui parler et dix minutes plus tard j’étais de retour dans la chambre, un petit sourire victorieux sur les lèvres. « Tu peux partir… », annonçais-je avant de revenir à sa hauteur, reprenant sa main dans la mienne, « Mais…j’passe la nuit avec toi okay ? Et je squatte chez toi jusqu’à nouvel ordre… » Je ne voulais pas vraiment reproduire les erreurs du passé.

Je ne comptais plus les moments ou j'avais été me réfugier dans les bras de Noah après ma première fausse couche pour fuir la triste réalité de mon accident. Je n'arrivais à respirer que dans ces conditions, et bien souvent, j'avais été l'ombre de moi-même les jours suivant ma sortie de l'hôpital. Aujourd'hui, je sentais ce même vide dans ma poitrine, ce trou béant que rien ne semblait pouvoir combler. Et pourtant il y a un an, peu à peu Noah était parvenu à m'aider à me reconstruire … Et maintenant ? Est-ce que une deuxième fois j'allais être en mesure de réapprendre à vivre ? Je savais déjà que ça allait être dur, et pourtant, je ne parvenais pas à me convaincre que je pourrais faire des efforts... Dans mon esprit, je n'étais convaincue que d'une chose : Hier encore, un bébé avait commencé à prendre place dans mon ventre, et je n'avais pas été en mesure de le protéger une fois de plus. Je voulais juste rentrer chez moi et m'enfermer dans ma chambre sans rien faire, enveloppée dans une tonne de draps à regarder par ma fenêtre, comme je l'avais déjà fait tant de mois auparavant … Parfois seule, et parfois, accompagnée de Noah. Pendant un long moment, il avait été le seul capable de me faire parler, ou même bouger, et je ne m'autorisais à voir que lui et lui seul, personne d'autre.



« On le fera ensemble si tu préfères d’accord.. ? » Noah voulait vraiment que je parle à mes parents de tout ça, de ce qui venait de se passer encore une fois, et je savais bien entendu que mes parents m'en voudraient si je devais venir à leur cacher une nouvelle fausse couche, alors oui, je leur dirait, mais je ne m'en sentais pas capable dans l'immédiat. J'avais juste besoin de rentrer et de ne plus sentir l'odeur désagréable de cet hôpital. J'avais toujours détesté ce genre d'endroit, et je crois que je les détesterais jusqu'à la fin de mes jours. Je hochais doucement la tête à l'entente de sa suggestion, puis je haussais faiblement les épaules. « On verra … mais ne t'en fais pas je leur dirait. » Pour l'instant, ma priorité était surtout de savoir quand est ce que je pourrais quitter ce foutu hopital, quand est ce que je pourrais rentrer chez moi et ne plus avoir à supporter ce lit qui n'était pas le mien, cette chambre qui n'était pas la mienne. Je demandais alors à Noah quand est ce que je pouvais sortir, et je devinais à son expression qu'il n'en avait pas la moindre idée. « Je…je sais pas, j’vais aller demander d’accord ? » Je soupirais et hochais à nouveau la tête, priant intérieurement de toutes mes forces pour qu'il revienne avec une nouvelle qui me plairait. Noah embrassa calmement la paume de ma main avant de se lever pour sortir de la chambre, et je plaquais ma paume contre mon cœur en soupirant, m'enfonçant au fond de mon lit en tirant nerveusement sur cette horrible chemise d'hôpital qu'ils m'avaient mise. Je repérais déjà mes vetements, espérant que ma robe n'était pas en sale état, et je me rasseyais au bord du lit lorsque Noah revint dans la chambre. « Tu peux partir… » dit-il en reprenant ma main, et je soupirais de soulagement, rassurée de savoir que je n'allais pas devoir dormir ici « Mais…j’passe la nuit avec toi okay ? Et je squatte chez toi jusqu’à nouvel ordre… » J'écarquillais les yeux et descendais du lit en me débarrassant de ces horribles fils, pour aller chercher mes vêtements et me changer. « Si tu veux … Mais lundi tu rentreras chez toi pour reprendre une vie normale avec tes cours, compris ? » Hors de question qu'encore une fois il se pourrisse l'existence à cause de moi. Une fois prête à quitter l'hôpital, je revenais vers Noah, et me dirigeais vers la sortie de ma chambre. J'avais l'impression d'avoir bu comme un trou tant j'étais étourdie. « On y va … ? Je supporte vraiment, vraiment plus l'odeur des hôpitaux, ni même rien s'y rapportant .. »

Paraître fort. Ça avait été ma devise pendant près d’un an. Et ça n’était pas facile, vraiment, vraiment pas facile. Ne pas montrer de signe de faiblesse malgré le fait que moi aussi j’avais été terriblement blessé par la première fausse couche d’Aylin. Elle avait perdu un bébé, mais je considérais en avoir perdu un aussi. Et de ne rien montrer avait été la partie la plus dure lorsque j’épaulais Aylin. J’étais persuadé que si nous étions deux à pleurer, que si nous étions deux à broyer du noir, aucun d’entre nous pourrait s’en sortir. Alors j’avais tout gardé au plus profond de moi, mes remords, ma culpabilité. Surtout ma culpabilité, car je m’étais senti tellement coupable de cet accident car j’étais persuadé que j’aurais pu empêcher Christopher de lui faire du mal si j’avais ravalé mes sentiments et que j’aurais essayé d’être juste son ami. Mais comment être ami avec une femme dont on est follement amoureux, et dont cet amour est tellement nouveau, tellement inattendu qu’il fait peur ? Je jalousais tellement Christopher que je n’avais pensé qu’à moi. Et nous avions tous les deux payé le prix.



Peut-être que cette fois je devais faire les choses différemment. Peut-être que cette fois, il fallait que je lui montre qu’à moi aussi, ça me faisait du mal. Que ça me touchait aussi. Surtout que cette fois, j’étais le père de cet enfant. Enfin...ça n’était pas encore une enfant, ni un fœtus mais…ça faisait quand même bizarre. Ca faisait quand même mal. Et je savais déjà à l’avance que les visites chez nos parents allaient être douloureuses. Je connaissais la mère d’Aylin, elle allait vouloir en parler avec sa fille et mes parents allaient être pareils. Pour s’assurer que nous allions bien, même si ça allait mettre un peu de temps avant qu’on oublie tout ça, même si on n’oubliera jamais entièrement. J’annonçais à la demoiselle qu’elle pouvait sortir de l’hôpital, mais j’émétais la condition que je reste chez elle au moins ce soir : pas question de reproduire les erreurs du passé. J’allais resté avec elle 24h/24h, même si elle ne dirait rien et que nous allions rester allongés l’un contre l’autre en silence pendant des heures. Je ne voulais pas qu’elle vive ça seule. « Si tu veux … Mais lundi tu rentreras chez toi pour reprendre une vie normale avec tes cours, compris ? » Je soupirais et je la regardais s’habiller sans répondre à sa question. Retourner à une vie normale après tout ce qui s’était passé ? Plus facile à dire qu’à faire. Une fois prête, elle se dirigea vers la porte de la chambre, « On y va … ? Je supporte vraiment, vraiment plus l'odeur des hôpitaux, ni même rien s'y rapportant .. » J’hochais la tête et je m’approchais d’elle, passant ma main à sa taille pour l’aider à se tenir un peu sur moi alors que nous sortions de la chambre, nous dirigeant vers la sortie de l’hôpital, « Tu sais…j’sais pas si j’ai vraiment envie d’aller en cours lundi… » Je savais déjà qu’elle allait me râler dessus, mais c’était la vérité. Pas parce que je m’inquiétais pour elle, mais parce que toute cette histoire m’avait secoué et que sur le coup, ça ne m’avait rien fait à cause de la panique mais maintenant…c’était comme une grosse gifle en pleine gueule. « On vient de reperdre un bébé je…j’ai pas trop la tête à ça… » J’ouvrais la portière de la voiture pour l’aider à s’asseoir du côté passager avant de m’asseoir côté conducteur, me tournant vers elle une fois attaché, « J’peux rester quelques jours chez toi.. ? »